Fabius: “L’Europe, c’est moi”?
In one of his last contributions to the “blog à deux voix” on the European Constitution set up by Le Monde, Olivier Duhamel concludes succinctly as ever:
cette constitution ne comporte aucun recul et que des progrès
Fingers crossed that the members of the French socialist party see it that way as well, when they vote in their party referendum today.
If they do not, the French PS will campaign for a ‘no’ in the subsequent “real” referendum in France. Adoption of the Constitution by France would then become very unlikely, which in turn would pose serious threats to the Constitution project as a whole. Fabius would have sacrificed the European Constitution to his personal ambitions to become President, and to the ridiculous idea that after two years of arduous negotiations in a Convention and an IGC that were almost more left-wing than ever, the Constitution could still be made more socialist. It makes you wonder how he thinks to achieve that result – by armed force?
Fortunately, the latest polls among PS sympathisers look favourable for the Constitution, and quite bad for Fabius’ own ambitions:
Selon une enquête publiée par Le Figaro mardi 30 novembre (et réalisée les 12, 13, 19 et 20 novembre par TNS-Sofres auprès d’un échantillon de 1 907 personnes, dont 568 sympathisants socialistes), le numéro deux du PS reste bon dernier de sa classe. Non seulement une majorité des personnes interrogées plaident pour le “oui†(65 % chez les sympathisants UMP, 62 % chez les partisans du PS), mais même une victoire du “non†ne lui ouvrirait pas les portes pour 2007. Pour 58 % des électeurs socialistes, en effet, une victoire du “non†ne ferait pas automatiquement de lui le candidat naturel du PS pour l’élection présidentielle…. Ce sondage, qui fait de Lionel Jospin le favori, s’inscrit dans une série toujours négative pour M. Fabius.
However, party voters tend to be less puristic in their views on its policies than party members. So despite the favourable polls, the outcome is not a run race yet. But whatever the result, Fabius’ no-campaign does not seem to have improved his chances for the presidency. And that serves him right.
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Update December 2, 2004: “Les socialistes votent “oui” Ã l’Europe et “non” Ã Fabius“
26 March 2005 at 21:50
Le “camp du Non” n’est pas moins protéiforme que le texte qu’il combat:à constitution tentaculaire opposition touts azimuts. Au chapitre social, le texte entérine le glissement de la notion de services publics à celle de services d’intérêt général (SIG); qu’est ce qu’un service d’intérêt général? D’après les exemples américains ou les préconisations des organisations internationales, il s’agit d’une rétrogradation du service public universel vers le service palliatif et d’usage temporaire:les services d’intérêt général doivent permettre à ceux ne pouvant accéder aux services fournis par le secteur marchand y compris la santé, l’éducation, l’assurance maladie, le logement d’accéder à un service minimum. Dans une optique de réduction des dépenses publiques et parce que, dans la philosophie libérale, le besoin pour un individu de recourir à un service aidé ne peut être que temporaire à l’échelle d’une vie intrinsèquement vouée à l’enrichissement – le nombre de bénéficiaires d’aide étant ontologiquement appelé à décroître – le SIG est un service au rabais chroniquement victime de sous financement et sous investissement, ce qui est même le cas des infrastructures et grands équipements aux Etats-Unis par exemple. Le SIG de la constitution c’est le retour du tiers état.
Au chapitre politique, l’organisation institutionnelle de l’Union européenne consacre une confiscation de la démocratie insupportable aux citoyens d’un continent qui l’a vu y être pensée et naître:au mieux nous avons un étrange système tacite de démocratie transitive:le suffrage national des citoyens européens élisant leurs représentants ou leur président aboutissant par on ne sait quel obscur chemin à la désignation d’une Commission, d’un Monsieur PESC, d’un “ministre” de affaires étrangères, d’un “président” de l’Union, etc. doués d’un pouvoir exorbitant en regard de leur irresponsabilité absolue en face des citoyens sur les vies et le futur desquels ils ont plus d’influences que les exécutifs et les parlements nationaux; au pire une forme de gouvernement impérial est en train de se mettre en place – mais un “empire intérieur”, un “tyran domestique” car au plan international ni les Etats-Unis, ni la Chine, ni la Russie et ni l’OMC, ni les Nations unies, ni l’OTAN n’ont rencontré la puissance européenne. Nous sommes, ici, à une croisée des chemins:soit toute instance décisionnelle supranationale est supprimée dans l’Union, le niveau hiérarchique maximal étant celui de chef de Direction générale et toutes les décisions et orientations sont prises par secteur au niveau intergouvernemental conjointement avec le parlement européen, soit un exécutif européen est élu au suffrage universel par l’ensemble des européens. Le découplage du pouvoir et de la responsabilité, la déconnexion du pouvoir politique et de la sanction du suffrage consacrés par la constitution sont inacceptables et portent les germes d’une conclusion austro-hongroise:le retour de la question des nationalités dans moins de cinquante ans et l’éclatement de l’Union. Les futurs Garibaldi, Bismarck, Paderewski, Kossuth, Alexandre Cuza, Benes, Jean de Bragance, Parnell et autres de Gaulle ou Jan Palac sont peut-être déjà nés.
Au chapitre de la défense et de la sécurité, la confiscation est encore mieux avérée: perpétuellement en devenir, la puissance européenne s’ampute, par le maintien de la plupart de ses membres dans l’OTAN, du bras armé inhérent à tout pouvoir réel, le pouvoir des armes:elle se dénie l’élaboration libre de ses choix stratégiques et de sa politique de défense, le libre usage de ses forces; elle s’interdit l’émergence d’une industrie européenne de défense. En refusant de se faire confiance pour sa propre sécurité, en délocalisant à Washington le centre de ses décisions de défense, l’Union européenne de la constitution choisit de s’arrêter au stade adolescent de la croissance d’une puissance.
Au chapitre de la source philosophique ayant inspiré la main des “conventionnels” – drôles de conventionnels, ceux de 1792 ou ceux de Philadelphie étaient élus, eux – ni la liberté, ni la fraternité, ni l’égalité, ni la paix, ni la quête du bonheur, mais la concurrence – noble origine et but exaltant pour nos enfants. C’est selon ce dogme, dont l’omniprésence a peut être à voir avec la forte empreinte génétique du plan Marshall dans l’ADN du Traité de Rome, que chaque décision, chaque choix, chaque mesure est, et sera constitutionnellement, imaginé, pris, jaugé. Et l’autre carence n’est pas moindre:nulle mention, nulle part, des notions de loyauté entre états membre, d’allégeance unique à un projet et un but communs (bien moins par exemple que dans le traité de l’Atlantique nord): division, impuissance, là encore.
Laissez le confort – les services publics et la justice sociale fondés sur la redistribution et la solidarité y compris intergénérationnelle – pour la puissance, ou l’inverse, passe encore, mais perdre l’un et laisser filer l’autre – évaporé à Bruxelles, non.
En votant non, les européens reprennent possession de leur(s) histoire(s), en votant oui comme le Baron Seillière et le comité de soutien germanopratin fomenté par Jack et Monique Lang, ils l’abandonnent au concile des puissants inconnus.
Jacques-Emmanuel Remy
Consultant international
6 June 2005 at 22:27
Sales Français
“L’esprit partout épars se concentre dans la cocarde de la conscience”. Blaise Cendrars
Peureux, ignares, chauvins, racistes, xénophobes, égoïstes, radins, colériques ainsi MM. Hollande, Strauss-Kahn, Lang, Bayrou, Sarkozy, Barnier ont qualifié les français depuis la victoire du Non; peureux, ignares, chauvins, racistes, xénophobes, égoïstes, radins, colériques ainsi intellectuels et éditorialistes ont décrit les français; peureux, ignares, chauvins, racistes, xénophobes, égoïstes, radins, colériques ainsi de nombreux hommes politiques européens ont insulté les français. Quand à Jacques Chirac, il prend acte!
L’intérêt, les intérêts de la France diffèrent donc de ceux des français d’après son président même. Ce n’est pas le Non qu’il faut décortiquer, c’est le oui: comment en est-on arrivé là, est-ce par mimétisme avec le déni de démocratie qui caractérise si bien le fonctionnement de l’Union, est-ce l’aboutissement final de la grande défausse de l’élu sur le fonctionnaire, de la décision sur le règlement, de l’inspiration sur la directive? En soutenant cette constitution, les hommes aux pouvoirs comme ceux y aspirant s’amputent encore davantage de leurs capacités d’imagination et d’action, en la refusant, les français les enjoignent à retrouver le goût de l’initiative et de la responsabilité. Beau défi!
La menace de l’affaiblissement, thème d’extrême droite par excellence, thème pétainiste, a été utilisée à satiété par le camp du oui – faute d’argument. Ce qui affaiblit la France c’est de rabâcher sa prétendue faiblesse, ce qui affaiblit la France c’est la condamnation, c’est le rejet, c’est la dénégation du message des urnes tant par le pouvoir que par l’opposition de gouvernement, ce qui affaiblit la France, c’est que la campagne du oui, comme toutes ses réactions le confirment après la défaite, avait les français pour adversaires, ce qui affaiblit la France, c’est un président de la République qui “prend acte” du résultat du référendum au lieu de le prendre dans ses bras et de le porter et de le défendre à Bruxelles (puisqu’un président élu au suffrage universel doit aller se justifier devant des fonctionnaires inconnus), ce qui affaiblit la France, ce sont des français stigmatisés le 29 au soir par Jacques Chirac et François Hollande, alors que, l’un président, l’autre socialiste, devraient, par devoir pour l’un, par conviction pour l’autre se faire les hérauts de la voix de leur peuple.
Une constitution n’est pas un contrat entre citoyens, c’est un contrat entre les citoyens et le pouvoir décrivant les modalités de l’exercice du pouvoir et du choix de celui-ci par ceux-là. Ni l’un ni l’autre ne sont acceptables dans la constitution européenne:elle ne prévoit ni choix, ni contrôle. Peu d’Européens sont prêts à une organisation du continent en une confédération à la suisse, c’est peut être dommage, mais c’est ainsi. En attendant qu’il puisse être démocratique, tout pouvoir supra national doit être supprimé, le plan B, c’est la suppression de la Commission et tel doit être le message de la France, de Chirac comme du PS, tel doit être le message joint de la France et des Pays-Bas, tel devrait être négocié l’avenir de l’Europe avec les pays du Non à venir et même avec les autres, Allemagne en tête. D’états à états, entre gouvernements légitimes, tout est possible, le projet européen est possible.
Une Constitution est grand texte inspiré, une constitution (américaine, françaises, allemande et japonaise d’après guerre, nouvelles des pays d’Europe centrale et orientale, irakienne à venir) est un texte de rupture mais aussi un texte familier dont de nombreux citoyens connaissent un ou deux articles ou dont il peuvent résumer l’inspiration, le projet soumis au vote était un document maniaque et plat à deux objectifs:consacrer la concurrence, consacrer la Commission. Ni justice sociale, ni volonté de puissance, ni exigence de loyauté, ni contrôle populaire. Les partisans du oui – pour la plupart très attachés à la justice sociale, conscients qu’un état sans puissance n’en est pas un, tous très choqués par l’attitude des nouveaux membres se précipitant sous l’aile de Washington, tous sincères démocrates – le savaient bien: ils n’ont pas convaincu. La rupture qui entraînera le retour en grâce de l’Union chez les européens (la participation aux élections européennes est en baisse constante depuis qu’elles existent, y compris chez les nouveaux membres), c’est la suppression de la Commission.
Bien sur il y a le désarroi, bien sur il a nourri le Non; bien sur l’étroitesse du choix politique: économie de marché avec ou sans palliatifs, ne porte pas à l’enthousiasme, mais le Non n’est ni à l’Europe ni au grand capital, le Non refuse la fin programmée du capitalisme civilisé si laborieusement bâti en trois générations; le Non dit: Laissez le confort pour la puissance, ou l’inverse, passe encore, mais perdre l’un et laisser filer l’autre – évaporée à Bruxelles, non.
Ce à quoi il a été dit Non ce n’est pas aux fins de mois difficiles, au prix du kilo de cerises, à Jacques Chirac – et s’il lui a été dit non, le non est tout autant adressé à François Hollande et s’il y a désaveu celui-ci est le premier visé, son camp ne l’a pas suivi, le oui vote UMP et UDF, majoritairement; ce à quoi il a été dit Non c’est au déni d’identité, au déni de puissance, à la honte de l’histoire, aux cinq culpabilités – les croisades, l’esclavage, la colonisation, l’holocauste, le rideau de fer – dont l’Europe s’englue; ce à quoi il a été dit Non c’est à la “désaffiliation” en cours, c’est à la tentative de nouvelle citoyenneté sans suffrage ni territoire qu’élabore sans le savoir un collège de commissaires inconnus, irresponsables, incontrôlables; ce à quoi il a été dit Non c’est à l’onction dont Bruxelles enduit notre destin pour le rendre aussi insaisissable qu’une truite, ce à quoi il a été dit Non c’est au primat de la norme sur l’usage, ce à quoi il a été dit Non c’est à la course éperdue vers la désincarnation.
Sales Hollandais.
Sarajevo, 3 juin 2005
Jacques-Emmanuel Remy