Une nation francophone, existe-t-elle en Belgique?

Jean Quatremer, le correspondent du journal français Libération en Belgique et l’auteur du blogue Coulisses de Bruxelles, pense qu‘il n’y a pas de “nation francophone” en Belgique, de la même façon qu’il y a une nation flamande:

Cette journée démontre encore une fois que la crise politique actuelle n’est pas vécue de la même façon au nord et au sud du pays. S’il existe une véritable nation flamande qui envisage avec sérénité l’avènement d’un confédéralisme mou, il n’en va pas de même chez les francophones qui ne voient leur salut que dans la Belgique unie. On peut le comprendre, car la « nation » francophone n’existe pas : la division reste la règle entre Bruxellois et Wallons et entre Wallons eux-mêmes (un Liégeois ne se sent guère d’affinité avec un habitant de Charleroi).

Mais c’est pareil au côté flamand, où les gens se sentent gantois ou anversois d’abord, puis flamand, puis belge, puis européen! La différence à mon avis entre francophones et flamands, la raison pourquoi les francophones manquent de ce sentiment “national” en tant que francophones, c’est que le projet national francophone a toujours été la Belgique elle-même.

Au début déjà en 1830, la Belgique était le projet d’émancipation d’une bourgeoisie libérale qui, souvent, devait sa richesse à l’industrie développante de la Wallonie. Ça, et, dans les années précédentes, une politique linguistique des autorités napoléoniennes qui encourageait l’usage du français, a eu comme résultat que cette bourgeoisie était francophone. C’est grace à elle que la nouvelle état belge s’est doté de la constitution la plus moderne de l’Europe de cette époque. Mais c’est grace à elle aussi que la langue officielle de cet état était le français, et que l’élite administratif, économique et politique de cet état était francophone et l’est resté jusque récemment (et encore…).

Si l’émancipation flamande a abouti plus tard à l’acceptation du néerlandais à coté du français et à un pays officiellement bilingue, la côté francophone de la Belgique ne semble jamais avoir accepté qu’entre le fort et le faible, c’était la liberté linguistique du bilingualisme qui opprimait et la loi de la frontière linguistique qui, finalement, a réalisé l’égalité réelle du néerlandais et du français en Belgique.

Et c’est un peu ironique, car il ne faut que regarder le Québec pour voir un exemple où le français se trouve à l’autre côté de cette ligne.

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